jeudi 8 janvier 2009

66 minutes le nez dans le guidon

Chers vélocitoyens, je ne suis sans doute pas le seul à avoir pété un cable de frein au mois de décembre 2008 en regardant un sujet du 66 Minutes de M6 qui évoquait le cyclisme urbain... Mes qualités littéraires n'étant pas à la hauteur de mon indignation face à ce reportage, je suis bien content d'avoir trouvé l'article suivant, extrait du Blog de Samuel Gontier sur le site de Télérama ( http://television.telerama.fr/television/66-minutes-le-nez-dans-le-guidon,37255.php ). Je vous invite à cliquer sur le lien pour avoir en plus les commentaires des lecteurs...

J'ajouterai juste au propos de S.G. que les "militants" cyclistes montrés (il n'y a pas d'autre mot) étaient des caricatures, et surtout que le cycliste urbain, d'après le reportage, c'est Paris, Paris, et encore Paris! alors que les enjeux sont sans doute vraiment en "province", où nous n'avons pas la même alternative transports en commun qu'à Paris.

66 minutes le nez dans le guidon

Ce matin je suis venu à Télérama en chalutier. Fini le vélo. Beaucoup trop dangereux. C'est 66 minutes, l'émission de M6, qui m'a convaincu de raccrocher. Plus précisément son sujet intitulé « Vélos, scooters : le dossier noir des deux-roues en ville ». Le reportage s'ouvrait par une archi-classique promenade avec un taxi excédé, puis suivait le quotidien d'une cycliste parisienne avec les mêmes moyens qui sont déployés pour le Tour de France : caméra embarquée sur le guidon, moto suiveuse chevauchée par un cameraman et par un journaliste, sorte de Jean-René Godard du cyclisme sociétal.
Gwenéla est « directrice de casting », c'est une grande délinquante. Au départ de l'étape, elle emmène sa fille sur le siège arrière de son vélo. Evidemment, elles ne portent pas de casque. Gwenéla roule sur les trottoirs, insulte les piétons, grille plusieurs feux, fait des queues de poisson aux voitures et saute des trottoirs de 25 centimètres de haut.

C'est là que j'ai tiqué. Sauter des trottoirs de 25 centimètres de haut avec un enfant de 20 kilos à l'arrière du vélo, c'est tout bonnement impossible, ou alors une seule fois, pour les besoins de la caméra. Deux obstacles s'opposent à une telle pratique, qui n'ont rien à voir avec le respect du code de la route. D'abord, n'importe quel marmot soumis à ce traitement hurlerait de douleur et renierait sa mère à force de faire des bonds dans son siège. Ensuite, n'importe quel vélo de ville (comme celui piloté par Gwenéla) soumis à ce traitement deviendrait inutilisable au bout d'une semaine pour cause de roue voilée ou de rupture de l'axe de la roue arrière.

Gwenéla est peut-être « directrice de casting », un métier banal dans les reportages de M6, mais elle a surtout été très bien « castée ». De là à dire qu'elle a enfourché un rôle taillé sur mesure par 66 minutes, qu'elle a obtenu la promesse d'une participation à Maman cherche l'amour en échange de sa prestation ou que M6 a truqué le déroulement de l'étape, il y a un tour de pédale que je n'hésiterais pas à franchir si je n'avais mis un terme à ma carrière cycliste.Le ton était donné. Avant même de poser sa question qui tue – « Les cyclistes sont-ils des victimes ou des dangers publics ? » –, le « dossier » de 66 minutes y avait répondu : « Les cyclistes souvent se croient tout permis. » « A l'origine des accidents, le comportement des cyclistes eux-mêmes. » Alors, ces dangers publics, « comment la police tente-t-elle de les mettre au pas ? ».

Eh oui, pour comprendre la vie de cycliste parisien, il faut faire appel à des experts : les policiers. En s'immergeant dans des unités qui punissent impitoyablement les contrevenants, c'est-à-dire les 95,6 % de cyclistes qui grillent les feux rouges et les 87,3 % de cyclistes qui roulent en état d'ébriété la nuit…

C'est à ce moment-là que j'ai résolu de raccrocher mon vélo. Pas question d'être associé à ces terroristes du bitume. Vous vous rendez compte des dangers qu'ils font courir aux autres usagers de la route ? Face à une bicyclette, la carrosserie d'une voiture est totalement vulnérable, absolument sans protection, elle s'expose presque nue à la rayure d'un guidon, à la tache de sang d'un cycliste.

La pause de pub est arrivée, j'ai zappé sur TF1. Ils diffusaient leur propre version de Rien dans les poches, beaucoup plus classieuse que celle de Canal+. Pour cette Sacrée soirée revival, ils avaient parfaitement reconstitué le bon goût des années 1980, les micros-cravates n'étaient pas encore inventés, Jean-Pierre Foucault recevait Sophie Marceau, qui était venue parler de son premier film, La Boum, en compagnie de toute l'équipe du film.De retour sur M6, j'avais pris une grande résolution : me mettre au scooter. Je l'ai vite regretté en découvrant que, comme les cyclistes, la grande majorité des usagers de ces deux-roues conduisent en état d'ébriété. Encore une fois, l'équipe de 66 minutes était embedded avec de courageux représentants des forces de l'ordre. Eh oui, pour comprendre la vie des conducteurs de scooter, il faut faire appel à des experts : les policiers. En s'immergeant dans des unités qui punissent impitoyablement les contrevenants. Et là, j'ai découvert que les conducteurs de scooters sont bien pires que les cyclistes. En plus d'être alcooliques, ils sont drogués.Pour apporter quelque nuance à ce bien sombre tableau, les journalistes s'étaient en effet immergés dans une voiture de police qui arrivait sur les lieux d'un accident : un automobiliste avait déboîté pour faire un demi-tour (manœuvre pourtant interdite), le conducteur du scooter qui l'avait percuté était dans un état préoccupant. Coup de théâtre quelques minutes plus tard : de la résine de cannabis était découverte dans les effets personnels du blessé. S'il risquait de demeurer paraplégique, il n'avait donc qu'à s'en prendre à lui-même.

J'étais désespéré, j'envisageais d'acheter un 4x4 avec un énorme pare-buffles, seul moyen de me protéger contre les hordes de deux-roues droguées et alcooliques qui se jettent tête baissée dans les carrosseries des voitures.

La pause pub est arrivée, j'ai zappé sur France 3, qui servait la soupe à l'ancien patron de Dexia dans Pièces à conviction.En revenant sur M6, j'ai entendu ça : « L'homme affirme ne plus toucher à la coquille aujourd'hui. » Qu'est-ce que c'est que cette « coquille » ? La nouvelle drogue branchée des cyclistes parisiens ? Non, je venais d'accoster dans un reportage sur « les pirates de la coquille Saint-Jacques » des Côtes d'Armor.

Eh oui, pour comprendre la vie des marins-pêcheurs bretons, il faut faire appel à des experts : les gendarmes. En s'immergeant dans des unités qui punissent impitoyablement les contrevenants. En fait, pas si impitoyablement. A cause de la fameuse « solidarité des gens de mer », tous les chalutiers sont avertis de la présence des pandores sur l'eau ou sur les quais de déchargement avant même qu'ils n'aient enfilé leur képi. Du coup, les pêcheurs se font très rarement pincer, ils continuent à braconner en toute impunité. « Entre les gendarmes et les pêcheurs, les rapports sont parfois houleux », a plaisanté le commentaire au bord du naufrage. C'est là que j'ai eu l'idée de mon nouveau moyen de locomotion. Dans mon chalutier, j'ai la VHF, mon armateur me renseigne en temps réel sur tous les contrôles de police. Je peux griller tous les feux rouges, naviguer sur les trottoirs en toute impunité. En outre, l'étrave du navire est parfaite pour se frayer un chemin au milieu des troupeaux de cyclistes avinés et de scooters drogués. Tant pis pour les rayures et les taches de sang : sur la coque rouillée, ça ne se voit presque pas.

Samuel Gontier
Photo: Jose Fidelino Vera Hernandez

Sur cette photo, une bande de cyclistes irresponsables en train de gêner les automobilistes... Euh, désolé M6, en fait c'est en juin 2008 à côté de Monterey au Mexique, un conducteur ivre de 28 ans qui a tué un cycliste et blessé 10 autres (et pour mieux comprendre la photo, sachez qu'on roule à droite au Mexique). D.C.

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