jeudi 21 janvier 2010

1869: le vélocipède à Agen était là bien avant les autos!

Chers amis vélocitoyens, savourez doucement et délectez vous de la façon dont la presse locale évoquait nos ancêtres vélocipédistes, découvrez ce que le publi-reportage n'est pas d'invention récente et... ne ratez pas le dernier paragraphe, qui laisse penser qu'Agen est en retard depuis... très longtemps!


Trouvé aux archives départementales de Lot-et-Garonne dans

« Le Courrier Agenais »

du 18 avril 1869


FEUILLETON

Les Vélocipèdes


Le vent est aux Vélocipèdes ; où que l’on aille, au gravier ou sur le nouveau boulevard, on voit passer, l’air ahuri à force d’attention, le front inondé de sueur, des malheureux, qui sous prétexte de distraction, se vouent au labeur pénible de mettre en mouvement ces difformes chevaux de fer.


Ce joujou, car ce n’est que ça, n’est pas, il faut le dire déplaisant à regarder. Sa forme est presque élégante et la seule chose qui le dépare est souvent le cavalier.


Quoi de plus risible en effet, que de voir rouler péniblement sous un Falstaf aux chairs rebondies ce léger véhicule, écrasé, déformé, brisé par le poids des formes herculéennes et dont eut été fière la vénus Hottentote. Des gens taillés de la sorte, créatures superbes d’ailleurs et qui représentent dignement le sexe fort, ne sont pas bâtis pour les frèles vélocipèdes, à ces charpentes aux fines courbures on ne doit imposer que des hommes légers… de formes, s’entend ; eux seuls peuvent ajouter à la grâce de leurs montures et ne pas sembler ridicules.


Nos Vélocipédistes Agenais sont loin d’être passés maîtres ; deux ou trois à peine sur trente au moins, qui se livrent à cet exercice, peuvent-ils se permettre de se montrer au grand jour. Les autres se cachent et ne s’adonnent que de grand matin ou le soir à leurs laborieuses études ; ils tombent des centaines de fois, se contusionnent, ont les bras rompus, les jambes endolories, ma is ils mettent un héroïsme persistant à subir sans geindre tout leur malheur et crient à nous assourdir : « rien de plus amusant que le vélocipède et dès qu’on s’y habitue, on ne ressent aucune fatigue. »


Une question qui mériterait bien d’être traitée à fond, serait celle de savoir, si, comme le prétendent ces fils d’Esculape, le travail incessant des jambes sur les pédales du vélocipède doit occasionner inévitablement des varices. Pour nous qui ne croyons guère plus aux oracles des docteurs qu’à ceux de Calchas, nous ne voyons dans cet arrêt qu’une maligne épigramme qui tendrait à prouver que les vélocipédistes ne peuvent pas être généreux, puis qu’ils sont sans exceptions, sujets à la varice. Pardonne-nous, lecteur, cet affreux mot !


Il a manqué au vélocipède, dont le nom indique pied prompt à la course, pour briller dans le monde élégant, d’être patronné à sa naissance par la high life parisienne. Par paresse ou indifférence la gent sportive, qui follement risque sa vie, sans gloire, dans les steeple-chase hasardeux, ne craint pas de déchirer ses mains dans les régates, et de se rompre le cou dans les capricieuses méandres que trace un patin glissant, n’a pas daigné s’occuper sérieusement du vélocipède ; ses admirateurs n’ont été, sauf peu d’exceptions, que des gandins interlopes, des calicots en rupture de ban et des gymnastes connus.


Le célérifère, qui n’était autre chose que le vélocipède sans pédales, avait eu, lui, la faveur spéciale d’être adopté exclusivement par les muscadins du premier empire. Toutefois ses nombreuses imperfections lui firent une existence éphémère et sa tentative de réapparition vers 1830, dans les jardins du Luxembourg, n’eut pas plus de succès ; les perfectionnements du vélocipède actuel l’ont complètement enterré.



en avril 1869, la mode du Vélocipède explose en France, des magazines lui sont même consacrés.
S’il n’était pas superflu de rechercher l’origine de ce bizarre véhicule, ne pourrait-on pas la reconnaître dans l’image fabuleuse de la fortune courant sur sa roue ? Pour peu que l’on jugeât cette preuve insuffisante, on en verrait sans doute une plus précise dans les fantastiques hiéroglyphes de l’obélisque de Luxor et dans les fresques découvertes à Pompéï, qui représentent des génies ailés à califourchon sur des tringles de fer reliées par deux roues. En voilà, ce nous semble, plus qu’il n’en est besoin pour répéter ces paroles de l’Ecclésiaste : Nil novi sub sole.

Mais qu’importe au vélocipédiste, déjà bien embarrassé pour guider son instrument, trop fréquemment indocile, quel en fût le premier inventeur ? L’important pour lui est d’être aussi commodément assis que possible et d’avoir un vélocipède solide, bien allant, et de bonne mine : que doit-il en effet désirer de mieux ? De ce côté toute satisfaction peut être obtenue et quoique nous soyons ennemi de la réclame, nous sommes trop ami de la vérité pour taire un seul moment, dans l’intérêt des sportsman ce qui intéresse leur plaisir et leur conservation.

De même qu’une Vittoria, sortant des ateliers d’Errler ou de Morel sera une voiture de beaucoup supérieure aux autres, de même aussi un vélocipède portant l’estampille de Michaux aura, mieux qu’aucun, les qualités requises pour être un élégant et bon marcheur. Un examen de quelques instants suffit pour apprécier la supériorité de ces appareils sur ceux des fabriques rivales et un vélocipédistes un peu exercé en fera la différence dans un simple parcours de cent mètres.

Une bonne fortune sans pareille pour les amateurs agenais, est de trouver, à la fois, en M. Delpech, armurier, un professeur habile et le seul vendeur autorisé par la maison Michaux pour la propagation de ses vélocipèdes.

L’enthousiasme un peu intéressé de M. Delpech nous avait laissé froid ; nous sourions en l’entendant vanter la souplesse des reins, l’élasticité de la selle, l’exquise douceur des patentes et la puissance du frein de ses vélocipèdes ! Pourtant ces éloges ne nous surprenaient pas trop, car on n’est pas gascon pour rien. Nous nous sommes risqués à tenter l’expérience et après avoir, non sans peine, conquis l’équilibre et parcouru deux kilomètres, nous faisions notre méa culpa, et déclarons, à la face de tous les vélocipèdes du monde, que le citoyen Michaux a des droits sacrés à leur plus ardente reconnaissance.

Cette vogue, basée, nous l’avons dit, sur une supériorité réelle, vient de recevoir une éclatante consécration par le succès obtenu par les vélocipèdes Michaux dans la grande course qui a eu lieu le 5 avril à Londres, dans le Palais de cristal. Sur douze concurrents, les trois vélocipédistes français, et parmi eux le fils Michaux, sont arrivés premiers, battant les neuf anglais de plusieurs longueurs.
Nous ne pouvons terminer cette causerie sans exprimer à l’autorité la surprise que nous cause l’absence de tout règlement de police sur les vélocipèdes. Qu’attend-elle pour en publier un ? Il n’est que temps de veiller à la sûreté des personnes, et plusieurs accidents ont déjà failli arriver.

Dans toutes les villes on a assigné aux vélocipédistes des allées spéciales où ils peuvent à leur aise se livrer à leurs ébats et ce n’est qu’ici où on les laisse courir dans les rues comme sur les promenades, et cela sans lanterne, lorsqu’on dresserait sans pitié un procès verbal à un charretier qui irait sur une route au tout petit pas de son cheval.

Veritas.







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