mercredi 12 janvier 2011

L'effet "Mary Poppins"

C’est le moment des étrennes, alors on a traduit pour vous, sur un coup de cœur, un article trouvé sur http://lovelybike.blogspot.com/

L’effet Mary Poppins?

Dernièrement, les commentaires enregistrés sur mon blog ont abordé la question de savoir si les conducteurs font preuve de plus de courtoisie quand les cyclistes utilisent des vélos de ville et s’habillent “en civil”. Un lecteur a écrit que la position droite sur un vélo de ville est plus visible et que les vêtements ordinaires donnent une impression moins « agressive » au conducteur moyen... C’est l’image de Mary Poppins. « Seul un monstre pourrait faire du mal à Mary Poppins » (Christopher Fotos, 10 décembre 2010). Êtes-vous d’accord ?
Je ne suis pas fan du tout des Tweed Rides : C’est une chose de s’habiller en soit-disant costume d’époque parmi des douzaines d’autres qui en font autant à l’occasion d’une balade festive en ville. C’est tout autre chose d’aller travailler à vélo en costume et pardessus de laine, parce que c’est justement dans cette tenue que vous allez normalement travailler.
Pour ne parler que de ma propre expérience, dès lors que j’ai adopté le vélo comme moyen de transport, j’ai remarqué que les conducteurs étaient plus sympas avec moi lorsque je m’habillais « normalement ». Ayant depuis commencé à faire du vélo de route à titre de loisir, j’ai constaté une différence notable entre la façon dont je suis traitée quand je roule sur un vélo de course, en tenue de cycliste sportive, cheveux plaqués, et l’attitude envers moi lorsque je roule bien droite sur un vélo de ville avec mon sac de travail dans le panier et mes cheveux visibles.
Quand un conducteur est grossier ou impatient à mon égard, c’est dans la majorité des cas lorsque je roule en vélo de route, ce qui est curieux dans la mesure où je suis bien plus rapide en vélo de route qu’en vélo de ville, et donc mieux insérée dans la circulation. A mon sens, cela confirme parfaitement le fait que la perception par un conducteur du degré de nuisance représenté par un cycliste est entièrement subjective. Vous pouvez rouler à 16km/h et être plus ou moins tolérée, alors qu’à plus de 40km/h vous êtes considérés comme gênant.
Je souscris pour partie à la théorie du conducteur qui ne veut pas « faire du mal à Mary Poppins », en ce sens qu’un cycliste habillé « normalement » paraît plus humain au conducteur. La façon dont les gens s’évaluent mutuellement est le fruit d’un système complexe de stimulation et de reconnaissance mutuelle (c’est en fait ma spécialité en matière de recherche donc j’ai passé beaucoup de temps à réfléchir sur le sujet !). De ce point de vue, on peut considérer que plus on envoie le signal « je suis humain ! je suis toi ! » en roulant à vélo, plus le conducteur est susceptible d’empathie envers nous.
A l’inverse, faire du tort à son prochain est rendu plus facile par la déshumanisation, lorsque nous parvenons pas à faire appel à son état émotionnel et à entrer en relation avec sa propre souffrance. Et la déshumanisation est facilitée par ce qui est de l’ordre de l’uniforme (raison pour laquelle il est plus facile de tuer des soldats et des prisonniers de guerre que des civils) ou par tout autre élément qui occulte l’individualité et masque les signes « d’humanitude ». 
Mais en plus de l’effet Mary Poppins, je pense qu’il existe également des règles implicites de droit de passage inscrites dans la mentalité du conducteur et dont bénéficie le cycliste vêtu « normalement ». Je n’entend pas par là que c’est juste ou justifié en aucune manière, mais j’ai le sentiment que les conducteurs sont exaspérés par les notions de loisir et de récréation auxquelles renvoie l’accoutrement du cycliste sportif. Le cycliste est sur la route parce qu’il fait une balade à vélo. Le conducteur, en revanche, est sur la route parce qu’il doit aller quelque part. Conséquemment, la personne qui doit aller quelque part a plus de raisons d’emprunter la voie de circulation qu’une personne qui va se balader, et donc le cycliste sportif gêne par principe. A l’opposé, quand l’apparence du cycliste suggère que lui aussi il est en train de se déplacer et doit aller quelque part, exactement comme le conducteur, sa présence sur la route semble plus justifiée. C’est juste une théorie, mais le fait que des conducteurs crient des trucs comme « va bosser ! » aux cyclistes sportifs, et me demandent au feu rouge « vous faites combien de kilomètres pour aller au travail ? » quand je suis bien habillée montre son caractère plausible. Vêtements normaux = aller au travail, look sportif = s’amuser...
Tout ceci est bien évidemment purement speculatif et je ne veux pas du tout dire que les cyclistes doivent s’habiller de telle ou telle façon pour avoir la faveur des automobilistes. Seule la certitude de poursuites pénales peut de façon fiable dissuader un conducteur de blesser un cycliste, et j’espère que cela deviendra une réalité aux Etats Unis dans un futur proche. D’ici là, espérons que les conducteurs puissent trouver moyen de voir en chacun de nous une Mary Poppins, que nous soyons habillés en lycra, en tweed, où quelque part entre les deux.

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